La crise climatique n’est plus une menace abstraite. Elle est là, tangible, urgente, visible à travers des incendies ravageurs, des vagues de chaleur record, des inondations, des sécheresses, des déplacements de populations. Mais à cette réalité physique s’ajoute une autre, plus invisible, plus insidieuse : l’impact psychologique du dérèglement climatique, particulièrement chez les jeunes. En effet, ceux qu’on appelle parfois la « génération climat » se trouvent aujourd’hui au croisement de deux crises majeures : une crise environnementale sans précédent et une détresse mentale grandissante.

Alors que le monde lutte pour ralentir les effets du changement climatique, de plus en plus de jeunes témoignent d’un mal-être profond lié à la conscience écologique. Ce malaise porte un nom : l’éco-anxiété. Ce terme désigne la peur persistante de l’avenir environnemental de la planète. Ce n’est pas une simple inquiétude, mais une angoisse existentielle, enracinée dans le sentiment d’impuissance face à l’ampleur du désastre écologique et au manque d’action perçue chez les générations au pouvoir.

L’éco-anxiété peut provoquer des troubles du sommeil, des crises d’angoisse, une perte de motivation, de l’apathie, voire des symptômes dépressifs. Elle peut conduire à une difficulté à se projeter dans l’avenir, à remettre en question des choix de vie fondamentaux, comme le désir d’avoir des enfants ou de s’engager dans un métier jugé incompatible avec les valeurs écologiques. De plus en plus de jeunes confient ne plus savoir comment concilier leurs aspirations personnelles avec leur conscience écologique — une fracture intérieure qui affecte leur équilibre mental.

Mais ce n’est pas seulement la peur du futur qui pèse sur cette génération. C’est aussi le poids du déni, de l’inaction ou de l’indifférence. Beaucoup de jeunes se sentent seuls dans leur prise de conscience, incompris par leurs proches, parfois même tournés en dérision lorsqu’ils expriment leurs angoisses. Ce manque de reconnaissance sociale de leur souffrance accentue leur isolement psychologique. À cela s’ajoute le paradoxe d’un monde qui continue à fonctionner « comme si de rien n’était », malgré l’ampleur des alertes scientifiques.

Cette double crise — climatique et mentale — appelle une réponse à la fois urgente et globale. Il ne s’agit pas seulement d’adopter des politiques environnementales efficaces, mais aussi de prendre soin des conséquences émotionnelles et psychologiques qu’engendre cette situation. Car la santé mentale est désormais un enjeu fondamental de la transition écologique. On ne peut pas espérer construire un avenir durable sur une jeunesse désespérée, anxieuse ou déconnectée.

Il est essentiel de créer des espaces de dialogue, d’écoute, et de soutien dans les écoles, les universités, les familles et les milieux professionnels. Les jeunes doivent pouvoir exprimer leurs émotions sans crainte d’être jugés ou minimisés. Il faut également former les enseignants, les éducateurs, les psychologues et les médecins à reconnaître les manifestations de l’éco-anxiété, et à les accompagner de manière bienveillante et informée.

Mais au-delà de l’accompagnement individuel, il faut restaurer la confiance collective. Ce que réclament les jeunes, ce ne sont pas seulement des mots rassurants ou des campagnes de communication, mais des actions concrètes, visibles, courageuses. Ils ont besoin de voir que leurs peurs sont prises au sérieux, que des choix difficiles sont faits pour préserver l’habitabilité de la planète, que leur engagement n’est pas vain.

Car malgré cette double crise, la jeunesse n’a pas renoncé. Beaucoup continuent de s’investir, de s’informer, d’agir, de créer des alternatives. Ils cherchent à vivre en cohérence avec leurs valeurs, à tisser du lien, à réinventer des formes de solidarité. Leur anxiété n’est pas un signe de faiblesse, mais la preuve d’une conscience éveillée, d’un attachement profond au vivant, d’une volonté de changement.

Reconnaître cette souffrance, c’est déjà la soulager un peu. L’accompagner, c’est lui donner un espace pour se transformer. Mais surtout, y répondre par l’action collective, c’est honorer le courage silencieux d’une génération qui, malgré la peur, continue d’espérer.

Santé mentale